Centre de gestion agréé de Ouagadougou/CCI-BF : Le personnel sans statut depuis 16 ans

Le Centre de gestion Agréé de Ouagadougou (CGA) est une structure de la Chambre de commerce et d’industrie du Burkina Faso (CCI-BF). Le CGA existe depuis 2008. Peu connu du grand public, il semble pourtant assez stratégique pour la CCI-BF. C’est une structure spécialisée, chargée d’accompagner les petites et moyennes entreprises. Mais depuis sa création en 2008, le personnel n’a pas de statut clair qui lui donne une grille salariale. Et même les mises en demeure de l’Inspection du travail n’ont pas pu adoucir les cœurs des premiers responsables.

La lutte a commencé il y a bien longtemps. Et en 2023, elle est devenue plus crédible. Une structure administrative compétente a reconnu sa justesse. Le 17 février 2023, une équipe de l’Inspection du travail dépose ses valises dans les locaux du centre de gestion agréé de Ouagadougou. Les deux inspecteurs sont en mission de contrôle. Ils ont fait plusieurs constats. Au total, 16 faits ne sont pas conformes à la réglementation. Parmi ces faits, l’inspection du travail note que les « travailleurs n’ont pas fait m

l’objet de classification catégorielle, (…) vos travailleurs ne bénéficient pas d’avancement ; les heures supplémentaires effectuées par vos travailleurs ne sont pas rémunérées ; (…) ; les délégués du personnel n’ont pas été associés à la procédure en cours d’adoption du statut du personnel, … »

Ces faits ainsi constatés, les inspecteurs ont mis en demeure le CGA de « procéder à l’avancement » des travailleurs. Et ils ajoutent : « classer vos travailleurs conformément à l’annexe du décret n°2010 (…)». Mais jusqu’aujourd’hui, le statut du personnel est toujours dans une zone d’incertitude.

Le 5 janvier 2024, les délégués du personnel dans une correspondance adressée au Directeur régional du travail et de la protection sociale du Centre citent les difficultés auxquelles les travailleurs sont confrontés : « manque de statut du personnel et annexes depuis 2008 ; pas d’avancement sauf pour une seule personne ; pas de classification catégorielle sauf pour une seule personne ; un seul salaire a connu au moins trois augmentations de l’ordre de 300% ».  Mais ils reconnaissent que le CGA a fait une proposition de statut du personnel. « Il faut rappeler que même s’il y a un projet de statuts du personnel qui été proposé, l’annexe sur la grille salariale n’est vraiment pas favorable à l’amélioration de la situation du personnel. Cela parce que depuis la création de la structure en 2008, les salaires étaient déjà désastreusement bas, et aucune augmentation n’y a été apportée sauf pour une seule personne et pire, des salaires ont été réduits », expliquent les délégués du personnel à l’Inspection du travail. Pour eux, « adopter les statuts du personnel en se basant sur ce statut quo s’apparente purement à un suicide collectif, l’objectif réel de la direction à travers cet outil étant de formaliser les pratiques déjà en cours, sans véritables changements ».

Mais du côté de la direction, l’avis est tout autre. Le directeur du CGA, Boukary Sawadogo, indique que la direction a proposé une grille salariale que la structure est « capable de supporter » mais qui n’est pas approuvé par le personnel. L’incidence financière de la grille proposée par le personnel serait « d’au moins 48 millions FCFA » à rechercher. « Au regard du contexte, la mobilisation d’une telle incidence financière annuelle est très difficile voire impossible », dit-il.

Lire aussi: Centre de gestion agréé de Ouagadougou, acte 2 : Les petites affaires louches du directeur – sirainfo.com

Nous avons contacté le directeur Boukary Sawadogo en avril 2024. A l’en croire, le dossier a été transmis à la Chambre de commerce et d’Industrie du Burkina Faso depuis février 2024.  Sur la question des avancements, il a indiqué que ce sont les modèles de traitements du secteur privé qui sont appliqués, par manque de statut du personnel.

Le salaire brut du directeur équivaut à 47,39% de la masse salariale mensuelle de tout le personnel

Le Directeur Boukary Sawadogo évoque une incidence financière difficile à mobiliser qui rendrait impossible l’adoption du statut du personnel. Mais quelle est la situation actuelle des salaires du CGA. Nous avons obtenu copie de la situation des salaires du personnel du mois de mars 2024.  Le CGA compte 14 salariés. Ce document qui porte la signature du directeur, indique que la masse salariale mensuelle (salaires bruts) est de 5 358 860 FCFA. Soit 64 306 320 FCFA par an. Sur ces salaires bruts mensuels, 2 539 593 FCFA bruts reviennent au directeur chaque mois. Soit 47,39% de la masse salariale.   Le deuxième employé le mieux payé après le DG touche un salaire de 503 496 FCFA, de loin derrière. Dans l’année, sur une masse salariale annuelle de 64 306 320 FCFA, le CGA dépense 30 475 116 FCFA pour le salaire du directeur. Les 13 autres se partagent 33 831 204 FCFA.

Au CGA, un seul salarié touche donc pratiquement la moitié de la masse salariale totale. Cela est-il normal ? A cette question, le directeur du CGA, en avril nous avait répondu sec : « C’est parce que j’ai ce traitement que je suis là. Sinon je vais partir. Moi je suis un cadre de la Chambre de commerce. J’ai été mis à la disposition du CGA. (…) Moi je suis en hors catégorie, que le statut soit adopté ou pas. Donc ce n’est pas parce que je suis bien payé que je ne fais pas le job. Eux, ils n’ont pas ce statut ».

Nous avons contacté la Direction générale de la Chambre de commerce et d’Industrie du Burkina à travers son service de communication pour mieux comprendre l’évolution du dossier du statut du personnel. Des promesses de rendez-vous ont été faites mais sans suite depuis mai 2024.

Par Lomoussa BAZOUN, Sira info

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