L’audit de l’Autorité supérieure du contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption, commandité par l’actuel ministre en charge des finances, Aboubacar Nanacabo, donne quelques détails sur les ministères et institutions qui ont des dossiers de dette « non constituée ». Parmi ces ministères et institutions, celui en charge des infrastructures détient le plus gros montant et celui de l’agriculture a le plus grand nombre de dossiers concernés.
« Sont considérés comme dette non constituée, les dossiers qui n’ont pas été présentés à la mission ou pour lesquels la preuve du service fait n’a pas été établie, même s’ils disposent de contrats régulièrement engagés », signale le rapport pour commencer. Plusieurs ministères et institutions ont des dossiers de dette qui cadrent avec cette définition.
D’autres ont des dettes, mais justifiées. Donc sans problème. Parmi ces derniers, on retrouve, la Présidence du Faso, l’ASCE-LC, le CSC, la CENI, la Cour des comptes, le ministère en charge de l’éducation nationale, les ministères en charge du commerce, de l’action humanitaire, de la transition digitale, du transport, du Cil, etc.
Au total, l’équipe des contrôleurs a analysé 3 390 dossiers de dette des ministères et institutions dont 3 078 dossiers de dette acceptés d’un montant total de 101 333 554 372 FCFA. Les dossiers « rejetés » sont 312 d’un montant de 32 020 028 633 FCFA et concernent 16 ministères et institutions.
Le document n’a pas clairement défini la période concernée par les marchés mais s’intéresse à tous les dossiers de dette, antérieurs à la transition ou pas, jusqu’au 31 décembre 2023.
Ainsi, pour ceux qui ont des dossiers de dette non constituée, le ministère des infrastructures vient en tête. Ce ministère a 96 dossiers de dette d’un montant total de 15 853 407 922 FCFA au 31 décembre 2023. Sur les 96 dossiers, 15 dossiers d’un montant évalué à 10 717 906 239 FCFA posent problème. Le rapport estime que cette dette n’est pas recevable. Motifs de non-acceptation : « absence de contrat et de preuve de service fait ; absence de preuve de service fait ; déchéance quadriennale ».
Deux dossiers de dette de ce ministère sont prescrits. Il s’agit du dernier acompte d’un montant 14 750 000 FCFA du contrat relatif aux travaux d’aménagement et de bitumage de voiries, attribué au groupement d’entreprises OK/SGTM/GC, et le dernier acompte d’un montant 24 668 210 FCFA du contrat relatif aux travaux d’aménagement et de bitumage de voiries parallèles, attribué au groupement d’entreprises OK/EKS/AC. « Pour les deux cas ci-dessus, les acomptes ont été rejetés au niveau de l’ordonnancement pour absence de pièces justificatives depuis 2018, soit 6 ans. Depuis lors, aucune réclamation n’a été faite par les concernés et aucune initiative au niveau de l’administration n’a été entreprise pour le règlement de ces dettes », précise le rapport.
Pour le reste de la dette non constituée de ce ministère, les preuves de service fait n’ont pu être apportées à la mission d’audit. Le rapport mentionne un cas. Il s’agit du marché relatif aux travaux réalisés par l’entreprise SACBA-TP sur la route Tenkodogo-Ouada, d’un montant de sept milliards huit cent douze millions quatre cent quatre-vingt-douze mille huit cent quatre-vingt-dix-sept (7 812 492 897) FCFA. Selon le rapport, « aucun document n’a pu être fourni à la mission sur ce marché. Néanmoins, les informations collectées auprès des acteurs indiquent que le marché a été résilié et que le pourcentage des travaux réalisés serait très faible. » Et ce n’est pas tout !
Selon l’ASCE-LC, un autre marché mérite une attention particulière. Il s’agit de travaux supplémentaires « réalisés sans avenant » dans le cadre du marché relatif aux travaux de réhabilitation de la route communautaire CU9 Koupèla-Tenkodogo-Bittou-Cinkansé-frontière de Togo par l’entreprise SOROUBAT sur financement de la Banque africaine de développement (BAD), d’un montant évalué par une équipe du ministère des infrastructures à 2 674 559 679 FCFA.
Ces travaux supplémentaires ont été réalisés, selon le rapport, en méconnaissance des dispositions de l’article 143 du décret du 1er février 2017 qui stipule que « la passation d’un avenant est obligatoire dès qu’il y a changement dans la masse des travaux et l’intensité des prestations de services courants ou intellectuelles. » Ces travaux supplémentaires devraient donc avoir l’autorisation préalable de la structure chargée du contrôle de la commande publique. Ce qui n’a pas été fait. « Les pièces fournies à la mission montrent que l’avenant a été autorisé par le Directeur Général des routes, monsieur Hamadé Bagaya, suivant deux ordres de service. », révèle le rapport.
Pour le ministère en charge de l’agriculture, les dossiers analysés par la mission d’audit sont au nombre de 544 dont 75 constituent des cas de dette non constituée, selon le rapport. Le montant de ces dossiers à problèmes (75) est de 7 744 471 271 FCFA. Motif de non-acceptation de ces dossiers par les contrôleurs : « Absence de dossiers physiques ».
Les deux ministères (infrastructures et agriculture) tiennent donc la tête du peloton. « Les situations des deux ministères (MID et MARAH) représentent à elles seules 78,79%du montant global des dossiers dont les preuves de service fait n’ont pu être établies, soit dix-huit milliards quatre cent vingt-deux millions neuf cent cinquante-neuf mille trois cents (18 422 959 300) FCFA en valeur pour 88 dossiers. », rapporte l’ASCE-LC.
Dans le lot des ministères également, il y a celui en charge de la justice avec 49 dossiers de dette non constituée d’une valeur de 5 018 350 031 FCFA avec deux principaux motifs : « Absence de dossiers physiques ; chantiers en cours d’exécution ».
Au compte de ce ministère, la dette non constituée pour absence de preuve de service fait s’élève à 1 210 603 030 FCFA pour 40 dossiers.
Il y a aussi le ministère en charge des mines qui 43 dossiers de dette non constituée d’une valeur de 4 663 356 775 FCFA. Principale reproche : « Absence de preuve de service fait. » Plusieurs autres ministères sont la même situation.
Par Lomoussa BAZOUN, Sira info