Affaire agents de la SONATUR : Le procès dévoile la grande « générosité » de la société envers son personnel  

Le procès des agents et anciens responsables de la SONATUR continue au tribunal de grande instance Ouaga 1. Ce lundi 10 février, ils se sont succédé à la barre. Les faits qui leur sont reprochés sont pratiquement les mêmes : prise illégale d’intérêt, enrichissement illicite, blanchiment de capitaux, etc.

Le premier appelé à la barre est un agent de liaison. Combien de parcelles avez-vous ? Lui demande le président du tribunal, Abasse Nombré. Le prévenu n’hésite pas. Il déclare en avoir eu quatre (4) entre 2018 et 2022. Selon lui, il y a eu une réunion de direction à la SONATUR à l’issue de laquelle, il a été décidé que chaque agent pouvait avoir une parcelle, ou en faire bénéficier une personne de son choix au prix homologué de la société. Une sorte de vente rapide pour arrondir le chiffre d’affaires de la société, selon le prévenu. Pour faire simple, l’employé qui n’a pas l’argent cash pour acquérir une parcelle, est autorisé à se transformer en intermédiaire. Il fait venir un acheteur à qui, il fixe un prix supérieur au prix normal de la SONATUR pour avoir une marge bénéficiaire. Le montant normal de la parcelle est reversé dans les comptes de la société, et l’agent empoche le surplus.

Concernant l’agent de liaison, cette manœuvre lui a permis d’avoir une parcelle à Bobo 2010, à Ouaga 2000, à Ouahigouya et à Dédougou. Selon ses estimations, le bénéfice qui lui est revenu (surplus de la vente) de la parcelle de Bobo, c’est 2,5 millions FCFA, 3 millions pour la parcelle de Ouaga 2000, 2 millions pour Ouahigouya. Celle de Dédougou aussi lui a rapporté un bénéfice.

Mais de façon règlementaire, tout agent de la SONATUR a droit à une parcelle. L’agent dit avoir bénéficié de cette parcelle prévue par les textes.

« Vous avez eu combien de parcelles » ?

Il est suivi à la barre par la cheffe du service recouvrement, poursuivie pour les mêmes faits. Elle affirme être bénéficiaire de cinq parcelles, dont l’une prévue par les textes. Les quatre autres qui ont été obtenues dans les conditions opaques, sont localisées à Ouaga 2000, Bobo, Ouahigouya et Dédougou. Elle estime les bénéfices obtenus sur ces parcelles à 9,5 millions FCFA. Elle a aussi tout revendu. « C’est de la spéculation que vous faites », déduit le procureur.

A sa suite, une autre dame passe à la barre. Elle a occupé plusieurs fonctions et demeure actuellement une chef de service. Elle est bénéficiaire de cinq parcelles dont l’une prévue par les textes. Parmi les quatre autres à problèmes, elle dit avoir donné celle de Ouaga 2000 au fils de son tuteur, une au fils de sa sœur. Quant à celles de Ouahigouya et Dédougou, elle est passée par des particuliers qui les ont achetées. La marge bénéficiaire qu’elle a eu de cette transaction est de 5,5 millions FCFA en 2022, selon elle.

Elle reconnait 8 parcelles

Une autre arrive à la barre. Elle a été Directrice administrative, financière et comptable de la société et occupe actuellement le poste de directrice de la qualité et de l’innovation. La question habituelle lui est posée par le président du tribunal : « madame, vous avez combien de parcelles ? ». Entre 2002, date de son arrivée à la SONATUR, à nos jours, elle dit avoir eu au total, dès sa première prise de parole, 11 parcelles. Mais par la suite, dans ses explications, celles dont elle dit être réellement propriétaire sont au nombre de huit (8), localisées, certaines, à Ouaga 2000. A la différence des autres, elle n’a pas fait de vente. Avec un salaire assez consistant, elle estime être capable de payer en temps normal ces parcelles. Mais le président du tribunal et le ministère public estiment que c’est parce qu’elle est agent de la SONATUR qu’elle pu acquérir ces parcelles grâce aux facilités instaurées.

Elle obtient des parcelles qu’elle revend et son époux n’est pas informé

A sa suite, une autre dame, poursuivie dans ce dossier, arrive à la barre. Sa fonction : assistante de direction à la SONATUR. Elle y est arrivée en 2017 et a bénéficié de cinq parcelles à Ouaga 2000, Bobo, Ouahigouya, Dédougou. Elle les a toutes cédées à d’autres acheteurs, sauf la cinquième qu’elle dit avoir donné à une amie, sans contrepartie. Ce qui amène le tribunal a lui demandé finalement où elle vit, puisqu’elle n’a finalement gardé aucune des parcelles. « Je vis en belle-famille avec mon époux », dit-elle. « Votre époux sait que vous avez eu ces parcelles ?», interroge le président du Tribunal, un peu étonné et curieux. Elle confie finalement que son époux n’en sait rien.

Après elle, une autre dame, cheffe de service communication au moment des faits et prévenue des mêmes infractions. Elle estime ses parcelles à 15, localisées à Ouaga 2000, Bobo, Dédougou et Ouahigouya. Mais elle dit avoir vendu et obtenu des bénéfices sur la transaction de deux parcelles. L’une de Ouaga 2000 est vendue à 20 millions FCFA, générant un bénéfice de 15 millions et l’autre également dans la même zone vendue à 11 millions.  Les autres ont été données à des proches, selon ses explications. 

7 parcelles en quatre ans passés au sein de la SONATUR

Un cadre de la Direction générale des impôts, détaché à la SONATUR en 2019, a comparu en qualité de témoin dans ce dossier. Il a passé 4 ans (2019-2023) au sein de la société comme conseiller fiscal. Il est réparti dans son service d’origine avec sept (7 parcelles) obtenues dans les mêmes conditions. Deux dans la zone commerciale de Ouaga 2000, deux autres en zone d’habitation à Ouaga 2000, deux à Ouahigouya et une parcelle à Dédougou. Il estime les surplus des reventes à 14 millions FCFA.

« Vous avez induit tout le monde en erreur »

L’actuelle Conseillère juridique a comparu également comme témoin. Répondant à une question du tribunal, elle indique que son avis n’a pas été requis sur la procédure. Elle n’a non plus produit un acte qui précise que ce procédé n’a pas de base légale. Le président du tribunal lui demande si elle-même a bénéficié de parcelles au cours de sa carrière à la SONATUR. Affirmatif ! Elle estime le nombre à 11.

Pour le procureur, elle n’a pas joué son rôle. Tout ce qui se passe aurait peut-être pu être évité, si elle avait attiré l’attention des responsables.  « Vous avez induit tout le monde en erreur », martèle le procureur. « La question c’est, est-ce que tout le monde n’a pas voulu cette erreur », retorque le président du tribunal. Rires dans la salle. A sa suite, une secrétaire de direction et secrétaire général d’un syndicat à la SONATUR, est appelée à la barre aussi comme témoin. Mais dans les échanges, elle avoue avoir bénéficié de 6 parcelles, comme certains prévenus.  

L’affaire est arrivée au tribunal grâce à une enquête de l’ASCE-LC qui s’était mise sur ce dossier. Les investigations ont conduit à la mise en examen de plus de vingt personnes. Le personnel de la société est estimé à 75 en 2023 et 55 ans 2022

Par Marie D. SOMDA, Sira info

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