Alors que l’État accorde des exonérations de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) pour alléger le coût de l’énergie et du gaz butane, une récente analyse montre que ces mesures profitent souvent davantage aux ménages les plus aisés. Les données issues de l’Enquête harmonisée sur les conditions de vie des ménages (EHCVM-2021) permettent d’évaluer l’efficacité et la justice sociale de ces politiques.
Le matériel solaire et le gaz butane sont exonérés de taxe sur la valeur ajoutée (TVA) au Burkina Faso (18 %). L’objectif est de réduire les dépenses énergétiques des ménages et de favoriser la transition vers des sources d’énergie plus propres. L’exonération du matériel solaire remonte à 2013. Mais derrière cette intention sociale se pose une question cruciale : qui profite réellement de ces avantages fiscaux ?
Un rapport du ministère des Finances portant sur « l’évaluation des impacts socioéconomiques des dépenses fiscales sur la période 2017-2022 », finalisé en 2024, apporte des éléments de réponse. Ce rapport se base sur les habitudes de consommation des ménages issues de l’Enquête Harmonisée sur les Conditions de Vie des Ménages (EHCVM-2021). Les ménages y sont classés en plusieurs catégories : « Très bas », « Bas », « Moyen », « Élevé » et « Très élevé », selon leurs dépenses de consommation.
Cette approche permet d’identifier la part du bénéfice de l’exonération de TVA revenant à chaque catégorie sociale, ainsi que le poids relatif de cet avantage dans leurs dépenses totales.
Matériel solaire : une exonération qui profite surtout aux ménages aisés
L’analyse révèle que 20,8 % des ménages ont acheté du matériel solaire au cours des douze mois précédant l’enquête.
Cependant, cette proportion varie fortement selon le niveau de vie : les ménages du segment « Très bas » sont ceux qui utilisent le moins ce type de matériel (8,9 %, soit environ un ménage sur dix), tandis que les segments « Élevé » et « Moyen » sont ceux qui l’utilisent le plus, avec respectivement 26,7 % et 26 %.
En termes d’individus, les ménages utilisant le matériel solaire regroupent 23,3 % de la population totale. À ce niveau, le segment « Moyen » affiche le plus fort pourcentage (32 %).

Cette inégalité d’accès se traduit directement dans la répartition du bénéfice de cette exonération fiscale. Les segments « Très élevé » et « Élevé », qui ne représentent que 13,1 % et 22 % de la population bénéficiaire totale (soit 35,1 % au total), concentrent à eux seuls 64,6 % du bénéfice global de cette exonération.
Dans le détail, le segment « Très élevé » capte 37,4 % du bénéfice, tandis que le segment « Élevé » en perçoit 27,2 %.
À l’inverse, les ménages des segments « Très bas » et « Bas », bien qu’ils constituent 36,8 % de la population bénéficiaire (respectivement 12,4 % et 24,4 %), ne recueillent ensemble que 17,9 % du bénéfice total de la mesure. Soit 4,7 % pour le premier et 13,2 % pour le second.
Selon le rapport, « les membres des ménages les plus riches bénéficieraient le plus des exonérations de TVA sur le matériel solaire. Les membres des ménages appartenant au segment de niveau de vie “Très bas” sont ceux qui en bénéficieraient le moins ».

Bien que les ménages du segment « Très élevé » profitent le plus de l’exonération de TVA sur le matériel solaire en valeur absolue, celle-ci ne représente que 0,56 % de leurs dépenses marchandes par personne, contre 0,62 % pour le segment « Très bas », indique le document.
Gaz butane : un usage concentré chez les foyers urbains et riches
Le constat est encore plus marqué pour le gaz butane. Seuls 16,9 % des ménages en font usage, représentant 14,8 % de la population totale.
La proportion des ménages utilisant le gaz butane croît avec le niveau de vie. Selon le rapport, elle s’établit respectivement à 0,5 % pour le segment « Très bas », 3 % pour le segment « Bas », 10,7 % pour le segment « Moyen », 23 % pour le segment « Élevé » et 47,2 % pour le segment « Très élevé ».
En conséquence, la répartition du bénéfice lié à l’exonération de la TVA sur le gaz butane révèle une forte inégalité entre les différents niveaux de vie des ménages.
Selon les chiffres disponibles, une écrasante majorité du gain fiscal (87,2 %) profite aux ménages les plus aisés, appartenant aux segments « Très élevé » et « Élevé ».
Les ménages du segment « Très élevé » concentrent à eux seuls 64,6 % du bénéfice total, tandis que ceux du segment « Élevé » en captent 22,6 %. Ces deux catégories représentent respectivement 46,1 % et 32,2 % de la population bénéficiaire de cette mesure fiscale.
À l’opposé, les ménages à faible niveau de vie ne tirent qu’un avantage marginal de cette exonération. Les foyers classés dans le segment « Bas », qui constituent 4,8 % des utilisateurs de gaz butane, ne reçoivent que 3 % du bénéfice total. Quant aux « Très bas », ils ne représentent que 0,8 % des utilisateurs et ne bénéficient que de 0,3 % du total.

L’analyse montre que les ménages du niveau « Très élevé » en profitent le plus, tandis que ceux du segment « Très bas » en bénéficient le moins. Seul le segment « Bas » présente un bénéfice supérieur à celui du segment « Moyen ».
Bien que les ménages du segment « Très élevé » bénéficient le plus, en valeur absolue, de l’exonération de la TVA sur le gaz butane, les données révèlent que ce gain ne représente que 0,3 % de leurs dépenses marchandes par personne. Soit la part la plus faible parmi tous les segments. Le segment « Bas » enregistre la part la plus élevée (0,65 %), suivi des segments « Très bas » (0,59 %), « Moyen » (0,40 %) et « Élevé » (0,34 %), mentionne le rapport.
Dans l’ensemble, les ménages aisés captent les bénéfices les plus importants en valeur absolue, tandis que les ménages pauvres profitent davantage en proportion de leurs dépenses. Ce qui traduit des effets sociaux contrastés.
Par Lomoussa BAZOUN, Sira Info




