Signature de conventions de découverts bancaires dont les charges s’élèvent à plus de 28 milliards de FCFA, des pertes de change de devises de plus de 16 milliards de FCFA, plus de 4 milliards de FCFA dont la réception effective n’est pas confirmée par les banques dans lesquelles ils sont censés avoir été versés… Bienvenue à la Société nationale burkinabè des hydrocarbures (SONABHY) qui multiplie les impairs financiers ces dernières années, selon des rapports d’audit commandités par l’Autorité supérieure de contrôle de l’Etat et Lutte contre la corruption (ASCE-LC).
Les auditeurs ont refait le point. En 2021, les subventions impayées de l’Etat à la SONABHY s’élevaient à 70 946 684 934 FCFA. La situation a empiré en 2022. Le manque à gagner de la société lié à cette situation était de 457 567740 160 FCFA. L’Etat doit rembourser par émissions de titres sur une durée de quatre à cinq ans, « avec un taux d’intérêt variant entre 5,7% à 6% ». Cette situation, à en croire le rapport, fragilise la trésorerie de la société. « La société est obligée de recourir à des découverts bancaires à des taux souvent supérieurs à 6% », concluent les auditeurs. Mais les découverts bancaires étaient-ils la solution ultime ?
Des charges de découverts bancaires de 28,9 milliards de FCFA
La SONABHY a signé des conventions de découverts bancaires avec des banques en 2020, 2021 et 2022 afin de faire face à certaines dépenses. En 2020, selon le rapport d’audit financier, une convention de découverts bancaires d’un montant de 19 298 832 086 FCFA a été signée. L’année suivante, une autre convention a été signée : 32 043 648 989 FCFA. L’année 2022 a été pire : la convention a porté sur 233 650 161 142 FCFA. Soit une augmentation de 629%. Le montant total de ces conventions de découverts bancaires est de 284 992 642 217 FCFA. Mais ces conventions ne sont pas gratuites. Elles coûtent chères. Très chères à la société. Les auditeurs ont fait le point. Elles ont, en effet, généré des charges colossales : 11 881 137 752 de FCFA en 2020, 7 715 166 354 de FCFA en 2021. En 2022, elles ont généré des charges financières d’un montant de 9 325 738 759 de FCFA. Soit un total de charges de 28 922 042 865 de FCFA. Pour les auditeurs, la SONABHY pourrait éviter cette situation en contractant des « prêts à long termes surtout pour le financement de ses gros projets d’investissement ». En décidant d’user des conventions de découverts bancaires d’un montant de 284, 9 milliards de FCFA, la société a perdu dans cette « affaire » 28,9 milliards FCFA comme charges. Selon la SONABHY, il est plus facile d’obtenir « des ressources à court termes qu’à long termes ». Elle aurait contracté un prêt de 46 milliards FCFA dans une banque et la procédure « a duré au moins six mois ». A l’entendre, la solution aux difficultés de trésorerie de la société réside dans « l’application de la vérité des prix à la pompe ou dans le paiement des manques à gagner et des subventions par l’Etat ».
Mais le rapport fait une autre découverte qui prouve que les conventions de découverts bancaires qui ont coûté 28,9 milliards de FCFA n’étaient pas la solution ultime. « L’analyse de la trésorerie fait ressortir un problème de gestion et d’optimisation. En effet, la trésorerie-actif dégagée en 2020 et en 2021 aurait pu être utilisée pour financer les opérations pour lesquelles les découverts bancaires ont été utilisés ». Comment ? Eléments d’explication !
Le solde banque et caisse de la société s’élevait à 63 306 944 798 de FCFA et 51 892 076 807 de FCFA en 2020 et 2021 respectivement. Or la société a signé les mêmes années des conventions pour bénéficier de découverts bancaires d’un montant de 19,2 milliards de FCFA et 32 milliards de FCFA. Conclusion selon le rapport : « La SONABHY aurait pu éviter ou réduire de manière significative les frais importants liés à ces découverts bancaires en 2020 et 2021 ».
Des pertes de change de devises de 16,7 milliards de FCFA
La SONABHY essuie des revers financiers énormes dans l’exécution de certains partenariats. De colossales pertes de change de devises sont découvertes par les auditeurs. « La situation comptable des pertes de change s’élève respectivement à 8 341 613 197 de FCFA en 2020, à 7 149 402 125 de FCFA en 2021 et à 1 226 453 996 de FCFA en 2022. » Soit des pertes de 16 717 469 318 de FCFA pendant cette période. Ces pertes sont dues, selon le rapport, aux règlements des factures de la Société internationale islamique de financement du Commerce (ITFC) et des fournisseurs étrangers. En réalité, le Burkina Faso a signé avec cette structure un accord de financement pour honorer les factures d’achats des hydrocarbures et du gaz. L’accord prévoit que les factures des fournisseurs soient transférées à ITFC pour règlement. La SONABHY doit payer ITFC dans un délai précis. Mais c’est là que réside tout le problème. Une vraie acrobatie. Explications du rapport : l’accord de financement est fait en euro, « alors que la facturation des fournisseurs est effectuée en dollar. ITFC procède au règlement des factures des fournisseurs en dollar, et facture la SONABHY en euro ». C’est dans ce jeu financier que la SONABHY perd des milliards de FCFA.
Et la raison est simple : « la SONABHY ne dispose pas d’une politique d’opérations assorties d’une couverture de change. » Cette politique, selon le rapport, pourrait diminuer les pertes. Comme solution, les auditeurs proposent à la société d’examiner « la possibilité de souscrire soit à une couverture fixant définitivement le cours de la monnaie étrangère à l’échéance, soit à une couverture ne fixant pas définitivement le cours de la monnaie étrangère à l’échéance ».
186 millions de FCFA dans des comptes non enregistrés dans la comptabilité de la société
La SONABHY est détentrice de plusieurs comptes bancaires. Trente-un (31) en 2020 et 2021. En 2022, ils sont revenus à dix-huit (18) à partir desquels les opérations sont effectuées. Les auditeurs font un constat suspect : « Deux comptes ne sont pas enregistrés dans la comptabilité » de la société. Ces comptes bancaires sont pourtant ouverts au nom de la SONABHY. « Ces comptes reçoivent souvent des règlements effectués par les clients », souligne le rapport. A la date du 31 décembre 2022, le solde des deux comptes s’élève à 186 117 118 de FCFA. Et ce n’est pas fini !
Des versements de 4,4 milliards de FCFA non confirmés par les banques
Un autre fait attire l’attention des auditeurs. L’état des rapprochements bancaires, relatifs aux versements des clients (chèques et espèces) a permis de mettre en évidence des transactions bancaires en suspens couvrant la période 2017 à 2020. Le montant censé avoir été versé dans les banques est de 4 493 453 010 de FCFA. Mais quand les auditeurs ont frappé à la porte des banques concernées, aucune n’a confirmé les versements de cette somme. « La réception effective de ces montants n’a pas été confirmée par les banques concernées (…) Les banques ne reconnaissent pas ces versements. En conclusion, ces versements ne sont pas réels », dit le rapport. « Nous émettons une réserve quant à la réalité, la régularité et la sincérité des flux financiers bancaires et caisses », martèlent les auditeurs.
Des « créances douteuses » de 2,4 milliards de FCFA
Selon le rapport, les créances douteuses étrangères sont nées des contrats de passage dans les dépôts des produits pétroliers avec des clients étrangers. Elles s’élèvent à 79 803 630 de FCFA et datent de 2014. Les clients concernés ont été suspendus, « mais des actions de recouvrement sont toujours en cours ». Il y a aussi des clients locaux dans cette situation. Au 31 décembre 2022, les créances douteuses des clients locaux s’élèvent à 2 402 346 932 de FCFA. « Elles sont nées essentiellement du fait du dépassement des garanties qui n’a pu être détecté à temps. Elles datent de 2014 et des actions de recouvrement seraient en cours. » (acte 3 à suivre)
Lomoussa BAZOUN