Pédiatrie Charles De Gaulle : Des candidats à un test de recrutement y veillent deux nuits pour les dépôts de dossiers

Dans un communiqué publié sur les réseaux sociaux la semaine dernière, le Centre hospitalier universitaire Pédiatrique Charles De Gaule lance un avis de recrutement. Plusieurs profils sont recherchés. Parmi eux, un besoin de quatre (4) infirmiers diplômés d’Etat (IDE) est exprimé. Dès l’annonce, l’information s’est répandue comme une trainée de poudre. Des candidats ont pris d’assaut les devantures de la Pédiatrie depuis le 23 mars. Du samedi soir, ils y sont restés jusqu’à ce lundi matin à 8 heures, heure à laquelle les dépôts de dossiers ont commencé.

Samedi 23 mars 2024, 17 heures sonnent au Centre hospitalier universitaire Pédiatrique Charles De Gaulle. Des visiteurs inhabituels occupent les devantures de l’administration de cet hôpital. Ils font des aller-retours. Ils tournent ! Certains ont fait leur baluchon : nattes, pagnes, etc. qui serviront sans doute de couchettes. Des femmes, des hommes, etc. qui sont là pour la même cause : postuler pour un test de recrutement de quatre (4) infirmiers diplômés d’Etat (IDE) initié par l’hôpital le 21 mars. Lancé le 21 mars 2024, l’ouverture des dépôts de candidatures commence ce lundi 25 mars. Mais un détail crée une psychose dans le milieu des « chercheurs d’emploi ». « Seuls les 200 premiers dossiers seront acceptés. », peut-on lire dans l’avis de recrutement.  200 candidats pour 4 postes. Personne n’entend donc vendanger sa chance. Perdre deux jours de sommeil ne coûte rien. C’est peut-être l’occasion de faire partie des 4 meilleurs qui seront recrutés. Ils ont donc décidé de faire de pied de grue devant l’hôpital du samedi 23 mars soir autour de 17h jusqu’à l’heure du dépôt (lundi 25 mars à 8 heures). Les premiers sur les lieux édictent les règles.

Une liste d’arrivée est alors ouverte dès 17 heures. Habitués à cette pratique, certains en ont une grande expérience et révèlent aux autres comment faire pour ne pas se faire gruger par des « arrivistes ». « La liste peut disparaitre à tout moment. Quelqu’un qui vient trouver que le nombre est déjà atteint sur la première liste se permettra d’ouvrir une nouvelle liste en prenant le soin de faire disparaitre la première », explique une dame assise par terre. Que faire alors ? Il faut veiller sur la liste. Les premiers à arriver sur les lieux se connaissent.  A tour de rôle, et en habitués de pareilles situations, femmes et hommes veillent sur cette fameuse liste qui est plus qu’un « sésame ». Elle est minutieusement gardée par une dame, qui ne semble pas prendre l’affaire à la légère.

La première nuit, ils sont une dizaine à veiller. Leur nombre s’agrandit le lendemain dimanche. Dès 5 heures du matin en effet, ils étaient une trentaine de candidats. Certains sont arrivés dans la nuit du samedi après 2 heures du matin.

Dimanche 24 mars, une si longue journée !

Le lendemain dimanche, les potentiels candidats maintiennent la rigueur.  La règle est claire et est la même pour tous, hommes comme femmes, mariés ou célibataires : « Tu bouges, ton rang sur la liste bouge avec toi ». De bouche à oreille, leur nombre ne fait que grossir. Dimanche soir déjà, autour de 18 heures, il ne manquait qu’une dizaine d’inscrits pour boucler la liste des 200 candidats dont la Pédiatrie Charles De Gaulle a besoin pour le test. Et Selon les échanges sur place, certains potentiels candidats s’affairaient en ville pour réunir tous les documents nécessaires et rejoindre le groupe des veilleurs. Le soleil disparait. La nuit couvre la ville de son manteau sombre. Les candidats au courant des « veilleurs » continuent d’arriver à compte-goutte.

22 heures sonnent ! La messe était dite. La liste des 200 candidats est bouclée. Tous ceux qui arriveront, même s’ils s’inscrivent ne pourront pas déposer leurs dossiers le lendemain lundi à 8 heures, même s’ils arrivent cette nuit du dimanche. Certains même y étaient déjà. Mais c’était trop tard. Il reste maintenant à bien tenir la liste et tout faire pour ne pas se faire voler par des gens qui contourneront cette liste pour déposer.

C’est la deuxième nuit. Sur des nattes ou des pagnes, la belle étoile est bien « confortable » pour ces candidats. Parmi eux, des femmes avec leurs bébés et quelques nourrices. La liste quant à elle est entre de bonnes mains et en lieu sûr, nous dit-on. Des candidats impatients vont et viennent. Ils guettent le lever du jour.

Trois (3) heures et demi sonnent. Comme si une cloche venait de sonner, tous se mettent debout et se dirigent vers la « gardienne » de la liste. Dès cette heure, chacun se rappelle de nouveau son rang et sa place sur cette liste. Le compte est bon. Tous ceux qui sont là, ont bien vu leurs noms. Pas de panique ! Trois longs rangs ont été constitués sur place. S’annonce ainsi un exercice d’endurance jusqu’au matin du lundi à 8 heures pour le début de la réception des dossiers. Quelques candidats qui avaient été représentés pour diverses raisons arrivent sur les lieux à partir de 4 heures.

Certains candidats arrivés sur les lieux le jour J, ont vite compris qu’ils ont « trop dormi ». En voyant les « veilleurs » en ordre de bataille, ils replient immédiatement, l’air désenchanté.

« Nous sommes fatigués de ces interminables stages qui n’aboutissent jamais à un contrat formel. Mais que faire vraiment ? »

Mais pourquoi une telle motivation pour ce test de recrutement ? Interrogés, certains candidats parlent sans langue de bois. Beaucoup détiennent des diplômes délivrés par des écoles professionnelles de santé depuis des années maintenant. Mais ils sont victimes de l’arrêt des recrutements sur mesures nouvelles. Formés à titre privé, avec l’espoir d’intégrer la fonction publique, la suspension des recrutements sur mesures nouvelles les rend vulnérables dans le monde du travail. Ils vont de stage en stage, sans pouvoir décrocher de contrat, dans les centres de santé publics comme dans les privés. Ils disent être « exploités » et défavorisés par le système. « J’ai fait près d’un an de stage ici à la Pédiatrie. Les weekends, je me retrouvais souvent seule. Pour vous dire que je faisais effectivement le même travail, voire plus que certains salariés titulaires. Donc ce n’est une affaire de compétence. Mais en retour, je n’avais que 30 000 FCFA pour mon carburant. Malgré tout, je n’ai pas eu de contrat après tout ce temps. Pourtant le besoin est là. C’est la mafia vraiment ! », se désole une candidate, qui affirme être un ancien stagiaire du Centre pédiatrique Charles De Gaulle. Elle est décidée à intégrer cet hôpital. Et son titre d’ancienne stagiaire, ayant déjà pris en charge des malades dans ce centre ne l’a pas empêchée d’y veiller deux nuits pour pouvoir déposer son dossier de candidature. Comme elle, beaucoup d’autres diplômés d’écoles de santé ont eu des expériences similaires.  « On t’exploite et à la fin, on te jette par la fenêtre pour reprendre la chaine avec un de tes collègues pour le stage. Nous sommes fatigués de ces interminables stages qui n’aboutissent jamais à un contrat formel. Mais que faire vraiment ? On s’est déjà formé et on ne sait faire que ça », confie un autre qui a réussi à inscrire son nom sur la liste des 200 candidats. 

En rappel, le dernier recrutement d’infirmiers diplômés d’Etat par le Centre hospitalier Pédiatrique Charles De Gaulle remonte à 2020, selon nos informations.

Par Judichaël KAMBIRE, Sira info

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