Les réquisitions d’acteurs syndicaux et de la société civile pour rejoindre les combattants sur le théâtre des opérations font monter la tension. Plusieurs organisations de la société civile et d’organisations syndicales contestent ces décisions jugées contraire aux libertés individuelles et collectives. Pour certains, il n’y a pas de doute : « c’est une volonté de faire taire toutes les voix discordantes face au pouvoir ». Mais, le gouvernement a une autre analyse de la situation. Le chef de l’Etat annonce même un nouveau virage pendant que son Premier ministre tance les syndicats.
Ce lundi 6 novembre, dans l’après-midi, lors d’une conférence de presse, le collectif des organisations syndicales et de la société civile qui avait projeté l’organisation d’un meeting le 31 octobre dernier est formel. « Le pouvoir du MPSR 2 veut nous bâillonner sous le couvert de réquisitions dans le seul but de casser la dynamique de la lutte que nous avons engagée contre l’arbitraire, l’autocratie et la banalisation de la vie humaine. Cette situation est inacceptable. Cela traduit la volonté manifeste du Capitaine Ibrahim Traoré de museler toutes les voix dissonantes. Pour nos organisations, les réquisitions émises jusqu’ici ne sont rien d’autre que des abus de pouvoir », a déclaré l’un organisateur de la conférence de presse, Nicolas Ouédraogo. Il est aussi secrétaire général adjoint de la Confédération générale du travail du Burkina (CGT-B). Ces organisations exigent donc l’annulation des réquisitions qu’elles jugent « punitives ».
« Nous abordons un nouveau virage », affirme le président Traoré
Plutôt dans la matinée, l’exécutif a abordé la question, dans un front uni. Le chef de l’Etat Ibrahim Traoré, lors de la traditionnelle cérémonie de montée du drapeau à la présidence du Faso, s’est adressé à ses collaborateurs. « Cela fait plus d’un an que nous avons commencé la direction de cette nation ensemble. Nous abordons un nouveau virage. Il est temps pour chacun de s’accrocher, parce que ceux qui ne le feront pas, ceux qui ne seront pas engagés, ceux qui ne seront pas convaincus, tomberont. Et nous n’allons pas nous arrêter », prévient-il. Et ce n’est pas tout. « Ce matin, chacun en se réveillant, à sûrement embrassé ses enfants, a pris son petit-déjeuner et a pris son sac pour venir ici. Si nous arrivons à vivre comme ça, c’est parce que d’autres sont au front, d’autres ont donné leur poitrine, leur vie et même leur fortune. Alors qui sommes-nous pour ne pas les magnifier ? », martèle-t-il face à ses collaborateurs. Plus loin, le chef de l’Etat évoque la question des libertés individuelles. « Si nous n’avons pas la capacité d’aller au front, nous devons au moins prier pour ceux qui y sont. Prions pour que Dieu leur donne la force d’y arriver. Prions pour nos combattants. Je parle de nouveau virage parce qu’il ne sera plus question de laisser le libertinage prendre le dessus. Les libertés individuelles ne priment pas sur la liberté de la nation. Nous avons assez d’exemples dans ce monde. Ouvrons les yeux. Une nation ne se construit pas dans l’indiscipline. Une nation ne se construit pas dans le désordre. », dit-il.
« La nomenclatura syndicale est entrée dans la danse (…) pour mieux abuser les populations », affirme le Premier ministre
Le Premier ministre Apollinaire Kyelèm de Tambèla, a pratiquement distillé les mêmes éléments de langage, au même moment. Il a ouvertement tancé les syndicats, dans un élément vidéo publié sur la page Facebook du Premier ministère : « Pendant longtemps, les seules forces organisées étaient l’armée et les syndicats. Des ennemis de la Transition se sont donc appuyés sur des éléments de l’armée, qui se croyaient intouchables du fait de leur rang et de leur fonction, pour fomenter un coup d’Etat des plus réactionnaires. Le temps viendra où tout cela sera mis au clair. En attendant, vous avez tous appris la fuite organisée par des complices, de l’ancien directeur général adjoint de l’Agence nationale de renseignement, avec tous les renseignements qu’il y avait à sa disposition et qui seront livrés à l’ennemi. Le coup d’Etat ayant échoué, c’est alors que subitement, la nomenclatura syndicale est entrée dans la danse, avec un langage pseudo-révolutionnaire, pour mieux abuser les populations. Il a été question de taxes et de cherté de la vie. Quand le président Traoré a proposé le prélèvement de 1% seulement des salaires pour soutenir l’effort de guerre, la nomenclatura syndicale a violemment rejeté la proposition. De quelle taxe parle-t-on alors ? Les taxes décidées en Conseil des ministres ont porté sur des produits importés ou faits à partir de matières premières importées. Peut-on vouloir se draper du manteau de révolutionnaire et dans le même temps, défendre l’invasion du marché national par des produits importés des pays impérialistes que l’on prétend combattre ? »
M.D.S.
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