Le Conseil national de transition du Tchad a voté une loi d’amnistie, sur proposition du gouvernement, le jeudi 23 novembre. La loi a requis 145 voix pour, 6 contre et 2 abstentions. Selon les médias locaux, « cette loi couvre tous les participants, qu’ils soient civils ou militaires, déjà poursuivis ou non, impliqués dans les violences du 20 octobre 2022, communément appelé le « jeudi noir ».
Le 20 octobre 2022, en effet, des manifestants avaient protesté contre le maintien des militaires au pouvoir, suite à la prolongation de la durée de la Transition dirigée par Mahamat Idriss Deby Itno qui avait promis de rendre le pouvoir aux civils aux termes d’élections démocratiques. La manifestation avait été violemment réprimée par les forces de sécurité, causant 73 morts, selon les chiffres du gouvernement. Mais des organisations de défense des droits humains estiment le nombre des personnes ayant trouvé la mort dans cette manifestation à environ 300. Avec cette loi d’amnistie, les auteurs et commanditaires de cette barbarie ont la garantie de ne plus être inquiétés par la justice tchadienne. Selon le gouvernement, cette loi vise des objectifs de paix, de réconciliation nationale et de cohésion sociale.
L’opposant Succès Masra reçu en audience par le chef de l’Etat
Le 31 octobre dernier à Kinshasa en République démocratique du Congo, le leader du parti Les Transformateurs, Succès Masra, l’un des principaux opposants, et le gouvernement de transition tchadienne ont signé un accord de paix, grâce au médiateur de la Communauté économique des États de l’Afrique centrale, Félix Tshisekedi. Cet accord a permis à l’opposant de mettre fin à son exil. Le 20 novembre, il été reçu par le président de la transition, Mahamat Idriss Deby Itno, à la présidence. Le vote de la loi accordant l’amnistie aux présumés auteurs des tueries dont certaines victimes étaient des membres et sympathisantes de son parti intervient trois jours après cette audience. Avant l’adoption de cette loi, en mars 2023, Mahamat Idriss Déby Itno a gracié 259 manifestants condamnés à de la prison ferme dans le cadre de la manifestation du 20 octobre 2022.
Une prime à l’impunité ?
Selon le site d’information Deutsche Welle (DW), des victimes se sentent trahies. « Des vies humaines se retrouvent sacrifiées au profit des intérêts politiques », disent-elles.
L’opposant Yaya Dillo, président du Parti socialiste sans frontières, et porte-parole de la Fédération de « l’opposition crédible », interrogé par la DW, se prononce : « cette forme d’amnistie vise à gommer la traçabilité de la répression sanglante du 20 octobre 2022. Nous invitons toutes les forces vives de la nation à se mobiliser afin que les auteurs de ces actes soient identifiés et conduits devant les juridictions crédibles, afin qu’ils soient condamnés avec toute la vigueur du droit international. »
Par Marie D. SOMDA
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