Syndicat des magistrats du Burkina : « Il n’est pas juridiquement possible de procéder à la révision de la Constitution »

Le 6 décembre 2023, l’information est rendue publique, à l’issue du Conseil hebdomadaire des ministres. Le gouvernement a adopté un avant-projet de révision de la Constitution. Le document a été transmis à l’Assemblée législative de Transition (ALT). Le Syndicat des magistrats burkinabè (SMB) a été invité par l’ALT à faire des observations en ce qui concerne les réformes touchant la justice. Dans un document d’une vingtaine de pages, il a sacrifié à l’exercice en donnant sa lecture aussi bien dans la forme que dans le fond. D’entrée, le SMB est formel sur la forme, en s’appuyant sur des dispositions de la Constitution en vigueur : « il n’est pas juridiquement possible de procéder à la révision de la Constitution » dans le contexte actuel. Et ce n’est pas tout !

Le gouvernement est décidé à réviser la Constitution en vigueur. Le dossier est même désormais à l’Assemblée législative de Transition. Mais la procédure et les réformes contenues dans le projet suscitent des interrogations et même des inquiétudes. Le Syndicat des magistrats burkinabè (SMB) fait partie des entités invitées à faire des observations sur la réforme de la justice.  Diakalya Traoré (Secrétaire général) et ses camarades se sont d’entrée appuyés sur une disposition de la Constitution en vigueur pour relever une situation de passage en force du gouvernement. « L’article 165 alinéa 2 de la Constitution précise sans équivoque qu’« aucune procédure de révision ne peut être engagée, ni poursuivie en cas de vacance du pouvoir, pendant la durée de l’Etat de siège ou de l’Etat d’urgence et lorsqu’il est porté atteinte à l’intégrité du territoire ». Si le point concernant la vacance du pouvoir n’est pas réel, les autres le sont. L’atteinte à l’intégrité du territoire et l’Etat d’urgence sont sans débat, selon le syndicat. Conséquence : « il n’est pas juridiquement possible de procéder à la révision de la Constitution. », martèle-t-il. Mais que faire ? Pour le SMB, le gouvernement a deux choix : « Ce qui est faisable dans la limite du juridiquement possible, c’est l’adoption d’une nouvelle Constitution ou, à l’inverse, pour être logique dans la dynamique des mesures d’état d’urgence qui baignent dans l’état de siège, c’est la suspension de la Constitution ».

Le SMB a fait une autre remarque dans la forme : le gouvernement n’a pas requis l’avis préalable du Conseil supérieur de la magistrature (CSM) avant d’introduire les réformes de la justice dans le projet de modification de la Constitution. Et cela est une violation de la loi fondamentale, se fondant sur l’article 133 de la même loi : « le Conseil supérieur de la magistrature donne son avis sur toute question concernant l’indépendance de la magistrature et sur l’exercice du droit de grâce ». Cet article est renforcé par l’article 12 du Statut de la magistrature qui précise que « le Conseil supérieur de la magistrature donne son avis sur toute question concernant l’indépendance de la magistrature ». Le Syndicat estime que ces réformes qui visent à rattacher le parquet au ministère de la justice « grignoteront les marges de manœuvres habituelles des magistrats en charge de l’action publique. En effet, l’expérience d’une telle approche de par le passé a révélé qu’elle accoutume le Ministre de la justice, membre du gouvernement, aux instructions négatives consistant à enjoindre de ne pas poursuivre des présumés auteurs d’infractions ayant des affinités avec le régime en place ou, au contraire, de poursuivre des personnes non présumées auteures d’infraction en ce qu’elles sont embarrassantes pour les détenteurs du pouvoir politique du moment. » Le gouvernement devrait donc requérir l’avis préalable du CSM avant d’entamer les réformes.

Dans son adresse aux députés, le SMB fait une proposition : « Passant outre l’exception préliminaire ci-dessus, il serait sage de renvoyer le projet de révision de la Constitution au Gouvernement pour saisine du CSM à l’effet d’y requérir son avis ». Le Syndicat a aussi fait des observations dans le fond, en ce qui concerne les réformes de la justice. ( Acte 2 à suivre)

par Lomoussa BAZOUN

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