Le rapport annuel général d’activités de l’Autorité supérieur de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC) contient aussi un audit de la Banque agricole du Faso (BADF), « gestion exercices 2020, 2021 et de janvier à mai 2022 ». Plusieurs irrégularités sont décelées par les contrôleurs. Le Conseil des ministres du 25 mai 2022 a mis fin aux fonctions du Directeur Général de la BADF, Daouda Simboro, « avec effet immédiat ». Cela a fait suite à des soupçons de « graves manquements dans la gestion de la Banque ». L’ASCE-LC s’est saisi du dossier et ses constations sont consignés dans un rapport d’audit.
La banque agricole du Faso a mal à sa gouvernance. C’est ce qui ressort du rapport annuel général d’activités 2022 de l’Autorité supérieur de contrôle d’Etat et de Lutte contre la corruption (ASCE-LC).
Première découverte des auditeurs : « Certains administrateurs de la banque y ont recruté leurs proches parents en violation » de la règlementation. Et ce n’est pas tout. Des administrateurs ont décidé de se servir d’abord des crédits de façon irrégulière. Morceau choisi par le rapport : « Certains administrateurs se sont faits irrégulièrement octroyés des crédits. Sur quatre (04) prêts aux administrateurs, trois (03) sont en violation » de la loi qui dispose que ces types de crédits sont soumis à l’approbation du Conseil d’administration. Ce qui n’a pas été fait.
Le Directeur général et son adjoint au moment des faits ont aussi pêché en eau trouble. Ils se sont eux-mêmes octroyés des crédits et le montant est faramineux : 180 millions FCFA. Voici ce que disent les contrôleurs : « Le Directeur général et le Directeur général adjoint se sont octroyé des crédits en violation des dispositions en vigueur. Certains de ces crédits ont même été accordés sans convention de crédit. Le montant de ces crédits est de plus de cent quatre-vingts millions (180 000 000) F CFA. »
La BADF a accordé des prêts à son personnel. Seulement voilà. Elle est allée au-delà des normes réglementaires. Les prêts accordés sont supérieurs à ce qui est autorisé. « Le dépassement total au-delà de ce qui est autorisé est de trois cent vingt-six millions sept cent dix-neuf mille trois cent quatre-vingt-douze (326 719 392) F CFA. », dit le rapport. Des prêts pour des équipement ont également été accordés. La durée règlementaire maximale de ce type de prêts est de soixante-douze (72) mois (6 ans). Mais trois (03) agents de la banque ont bénéficié de ces prêts « pour des durées de cent vingt (120) mois, soit dix (10) ans.Le montant de ces prêts à durée anormale est de cent dix-huitmillions (118 000 000) F CFA. »
Selon l’ASCE-LC, sur la période de mai 2018 à mai 2022, la BADF a versé des primes de gratification, des primes de motivation et d’encouragement, des primes d’ancienneté, de treizième et quatorzième mois au personnel. Montant total :978 299 892 F CFA. « Ces primes et gratifications ont été accordées de façon irrégulière et sans base légale. », martèle le rapport.
Un autre constat a attiré l’attention des auditeurs. Il concerne certains clients. De gros soupçons de conflits d’intérêts pèseraient sur la procédure qui entoure l’attribution de crédits à ces « gros clients ». Voici ce que dit le rapport : «Des crédits ont été accordés à une certaine clientèle au mépris des normes prudentielles bancaires. En effet, l’audit a révélé huit (08) « gros clients » dont les opérations de crédits comportent des irrégularités.Ces faveurs pourraient cacher des conflits d’intérêt de certains dirigeants de la banque dans les entreprises bénéficiaires. En effet certains engagements octroyés présentaient avant même que les crédits ne soient mis en place, un risque élevé de non remboursement. Pour ces crédits, et à leur échéance de remboursement, pour éviter qu’ils ne soient déclassés en impayés, certains responsables de la banque ont procédé irrégulièrement au rallongement de l’échéance de remboursement donnant ainsi l’illusion que ces crédits sont sains. »
« Apporteurs d’affaires » et le préjudice de 378 millions FCFA subi par la Banque
Les auditeurs ont commencé par définir la signification de l’expression « apporteur d’affaire ». C’est une personne, disent-ils, qui apporte des sommes d’argent pour les placer à la BADF pour une durée plus ou moins longue afin de permettre à la banque de constituer et de consolider sa structure financière. La banque doit alors rémunérer ces personnes sur la base d’un contrat et suivant un barème, expliquent-ils. Mais à la BADF la rémunération ces agents ont causé des préjudices financiers, selon l’ASCE-LC. « Ce faisant, cinq (05) personnes dites « Apporteurs d’affaires » ont été rémunérées pour des affaires qu’elles n’ont pas apportées à la banque. Le préjudice subi par la banque est de trois cent soixante-dix-huit millions (378 00 000) F CFA. ». Ce dernier dossier a connu une suite judiciaire et avait connu la condamnation de l’ancien Directeur général de la BADF, Daouda Simboro.
En rappel, la Banque agricole du Faso a été créée en 2018 et a démarré ses activités en 2019 avec un capital social de quatorze milliards deux cent soixante-dix-sept millions (14 277 000 000) F CFA. L’Etat est l’actionnaire majoritaire. Sa vocation : financer les secteurs agro-sylvo-pastoral, halieutique et faunique.