Zakis et son frère Kassè (des noms d’emprunt) ont comparu devant le Tribunal de grande instance (TGI) Ouaga II pour des faits de stellionat, ce jeudi 21 mars 2024. Kind (nom d’emprunt), agent technique à la mairie de Saaba, comparaissait avec eux pour avoir fait immatriculer en son nom une parcelle qui ne lui appartient pas et pour avoir vendu ladite parcelle en situation litigieuse. Ils ont tous été reconnus coupables des faits de stellionat et condamnés à 12 mois de prison avec sursis.
Tout commence en 2011. Un projet de musée de l’eau est porté par Samou (nom d’emprunt). Il a besoin de plusieurs hectares dans le village de Zakis et Kassè (noms d’emprunt). Les deux derniers sont des frères. Grâce à un fils du village, le porteur du projet obtient un rendez-vous avec le chef du village, qui est aussi le frère de Zakis et Kassè. Ainsi, Samou lui explique son projet. Le chef prend l’initiative de lui vendre 10 hectares sur son territoire. Des décharges sont signées par le chef sur des feuilles ordinaires de cahier. Les membres de la famille royale sont informés de cette acquisition sauf deux personnes : Zakis et Kassè.
Des années passent sans le moindre problème jusqu’au jour où les deux prévenus vendent une partie des terres familiales. En effet, dans les explications des protagonistes au procès, il ressort qu’une portion vendue (deux hectares) fait partie des dix hectares déjà vendus à Samou. Ce dernier a clôturé une partie de son terrain pour débuter son projet. Ce premier litige est réglé à l’amiable suite à une réunion de famille. Les choses avaient ainsi repris leur cours normal. Mais en 2019, les deux prévenus récidivent. Ils vendent à nouveau deux autres hectares. Cette fois-ci à Kind (nom d’emprunt), un agent technique à la mairie de Saaba d’où relève le village des prévenus. Le nouvel acquéreur, averti de la question foncière, s’entoure de témoins à savoir le Conseil villageois de développement (CVD) et un conseiller municipal. Après l’acquisition, l’agent technique de la mairie de Saaba qui s’est dit certainement avoir fait une bonne affaire, réunit tous les papiers nécessaires. Puis courant 2021, il revend à son tour son terrain à un autre acquéreur. Jusque-là, tout va bien. Mais quand le dernier acquéreur affute ses « armes » pour mettre en valeur le terrain nouvellement acquis, les choses s’accélèrent. Et vite ! Il apprend que le terrain appartient à quelqu’un d’autre. Il est ainsi reproché aux deux frères d’avoir vendu un terrain qui ne leur appartient pas à l’agent technique de la mairie. Et à ce dernier, il est reproché d’avoir fait immatriculer en son nom un terrain qui ne lui appartient pas, et d’avoir vendu un terrain litigieux. L’affaire arrive au tribunal !
A la barre, les deux frères, Zakis et Kassè, ont une ligne de défense ferme : ils n’étaient pas au courant que le terrain vendu par le chef du village (leur frère) au porteur du projet du musée de l’eau (Samou) s’étendait jusqu’à la portion vendue. C’est après avoir opéré la vente qu’ils l’ont appris avec le chef du village.
Kind à la barre ne reconnaît. « Je suis un agent communal. En voulant prendre le terrain, j’ai fait appel au CVD et à un conseiller pour être témoins. J’ai acquis le terrain de 2 hectares avec Zakis à environ 2 500 000 FCFA. Je l’ai ensuite revendu, comme beaucoup d’autres parcelles que j’avais acquises. Et c’est lorsque ce dernier a tenté de mettre en valeur le terrain qu’on lui a signifié que le terrain appartenait à Samou ». Selon lui, c’est à partir de là qu’il a tenté de mieux comprendre la situation en allant à la rencontre de Samou. Mais trop tard ! L’affaire est envoyée au tribunal.
Pour le Parquet, les faits sont constitués même si des doutes subsistent de part et d’autre. Il recommande au tribunal de sévir pour dissuader. De leur côté, les conseils des prévenus sont formels. Les doutes pèsent effectivement en faveur de leurs clients. « A qui devrait-on rendre justice, Monsieur le Président du tribunal ? A mes clients sans doute. Ils n’ont pas été considérés comme des humains. Des gens ont décidé, parce qu’ils sont devenus chefs ou sont proches du chef, de vendre une partie du domaine familial. Et cela sans informer les autres membres de la famille dont mes clients. Que mes clients soient renvoyés au bénéfice du doute, en tout cas, au pire des cas le sursis. Mes clients sont ceux qui ont besoin de justice », a plaidé le conseil des frères Zakis et Kassè.
« Mon client était en possession d’une attestation de possession foncière rurale au moment de la vente. Il n’y a pas de fraude lorsque le vendeur détient un titre de propriété. Aucune des déclarations n’est à mesure de vous convaincre qu’au moment où mon client vendait son terrain, il y avait un litige», martèle le conseil de l’agent technique de la mairie de Saaba. Il demande ainsi sa relaxe pour infraction non constituée.
Le verdict tombe : les trois prévenus (les deux frères et l’agent de la mairie de Saaba) sont déclarés coupables des faits de stellionat. Ils sont condamnés à 12 mois et amende de 500 000 FCFA, le tout avec sursis. Cependant, ils doivent aussi payés 500 000 FCFA au titre des dommages et 300 000 FCFA pour les frais non exposés.
Par Judichaël KAMBIRE, Sira info