« Et  Yallah s’exila » de Hadiza Sanoussi : Un roman qui interroge la place de Dieu dans les guerres menées par ceux qui prétendent le servir

Il y a un petit nombre de personnes sur cette terre qui, de par leurs décisions et actions, influencent profondément la marche du monde. Et c’est autour de  quelques-unes de ces personnes puissantes et influentes qu’Hadiza Sanoussi a décidé de construire son roman Et Yallah s’exila. Un roman qui présente un monde miné par des conflits de toutes sortes. Mais c’est surtout l’égo surdimensionné des dirigeants politiques de différents Etats à travers le monde et des leaders de mouvements extrémistes qui retiennent facilement l’attention du lecteur. Ces puissants du monde oublient pourtant une vérité toute simple : ils sont avant tout des humains. Ils n’échappent donc pas aux faiblesses et tares liées à la condition humaine. Pire, ils agissent souvent au nom de Dieu, dont ils ne sont pourtant pas les mandataires.

Dans son  roman Et Yallah s’exila, Hadiza Sanoussi promène le lecteur tour à tour dans différentes parties du monde en proie à des conflits. En effet, les actions se déroulent presque simultanément en Afrique, en Amérique et au Proche et Moyen Orient. Il règne dans la république imaginaire du Mélano (en Afrique) un semblant de démocratie sur fond de dictature et de patrimonialisation du pouvoir avec le président Gubaye. Sénile et maladif, ce dernier est pourtant décidé à s’éterniser au pouvoir avec un nouveau mandat. Un entêtement malgré les tensions qui sont visibles aussi bien dans l’opposition que dans son propre parti. Et comme c’était prévisible, la crise socio-politique finit par éclater.

Terrorisme international

Au Proche et Moyen Orient, le lecteur découvre les têtes pensantes et bailleurs de fonds du terrorisme désigné sous le vocable de guerre sainte. A coups de prêches, d’endoctrinements et d’entrainements, ces guides réussissent à transformer des jeunes en véritables machines à tuer. C’est le cas entre autres de Khaled, « jeune kamikaze de quatorze ans qui vient de périr » (p.10) dans une opération ayant faits d’innombrables victimes.   Les attentats terroristes de ce genre sont nombreux et perpétrés dans différents continents (Europe et Amérique notamment).

Il n’en faut pas plus pour que John Franks, président de Power Country, qualifié de « nation la plus puissante du monde » (p.17) monte sur ses grands chevaux. En véritable gendarme du monde, il lance une opération militaire contre le dirigeant politique El Saffah, afin « de mettre fin au régime dictatorial (…) qui constitue la base arrière du terrorisme » (p.28). Une opération qui se transforme vite en force d’occupation sous le prétexte de lutte contre le terrorisme international…

Ils se croient tous investis d’une mission divine.

Ces différents foyers de tension à travers le monde partagent paradoxalement un point commun : le rapport des leaders politiques et de mouvements extrémistes à Dieu. Chacun d’eux croit fermement qu’il est investi d’une mission divine et agit de ce fait au nom de Dieu. Ainsi, John Franks et sa famille  louent et invoquent régulièrement « le Seigneur, afin qu’il dirige la main du maître de maison dans cette guerre de libération, comme Il l’avait fait avec Moise pour libérer le peuple de Dieu du joug de Pharaon. » (p.31) Du côté des leaders des mouvements extrémistes, Ben Hadad qui est l’un d’entre eux, avait pour toute prière que « Dieu se serve de sa main pour punir les mécréants. Il ne pouvait en être autrement, puisqu’il avait le soutien d’Allah » (p.18). Au Mélano, depuis le début de la crise socio-politique, « la vie des premiers responsables  du pays était rythmée par des séances de prière. Chacun avait recours à ses relations mystiques » (p.103).

La désillusion totale    

Tous ces leaders finirent par périr presqu’au même moment et de la façon la plus ordinaire, voire banale ou humiliante (suicide, empoisonnement, négligence…). Et par la magie de la fiction, Hadiza Sanoussi permet aux lecteurs de les accompagner tous dans l’au-delà pour découvrir qu’aucun d’entre eux ne recevra la récompense escomptée. Pire, ils ne sont pas du tout proches du Grand Créateur au nom de qui, ils ont commis tant de crimes sur terre…

Ce roman de 119 pages paru en 2010 à Harmattan Burkina est subversif à sa façon et donne donc à réfléchir. Les notions de guerre sainte et de guide ou leader éclairé sont ainsi remises en question. Ceux qui ont la prétention de conduire des hommes n’ont souvent ni la sagesse ni la légitimité pour le faire. Ils sont pour la plupart fortement guidés par des intérêts égoïstes qui mettent à mal la construction d’un monde de paix.

En rappel, Hadiza Sanoussi est une écrivaine de nationalité Burkinabè. Elle est auteure de nombreuses œuvres parmi lesquelles on peut citer Ciel dégagé sur Ouaga, Devoir de cuissage, Les deux maris et L’empire Lédéa, une révolution sans armes, sans larmes et sans sang.

Par Antoine Guibla, Professeur certifié des lycées et collèges option Français, Doctorant en Lettres Modernes à l’université Joseph KI-ZERBO.

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