Nakouba (nom d’emprunt) a comparu au tribunal de grande instance (TGI) Ouaga II, le 2 mai 2024. Une de ses voisines lui reproche de l’avoir accusé de sorcellerie. Cela aurait mis sa vie en danger. Au bout du procès, le verdict est tombé. Le prévenu qui a reconnu les faits que sa voisine lui reproche est condamné à 12 mois d’emprisonnement avec sursis. Il doit également verser 100 000 FCFA à la victime et 250 000 FCFA d’amende ferme.
8 septembre 2023. Mam (nom d’emprunt), une dame habitant un village de la commune de Saaba à Ouagadougou saisit le Procureur du Faso près le tribunal de grande instance (TGI) Ouaga II. Cette dame, restauratrice de profession, la quarantaine sonnée, se dit meurtrie et vilipendée par l’un de ses voisins, Nakouba (nom d’emprunt). Son voisin, père de 4 enfants, l’a en effet accusée de sorcellerie. Ses deux enfants sont tombés malades successivement d’une maladie suspecte voire curieuse. Mais pourquoi accuse-t-il sa voisine d’être à l’origine de ce qui arrive à ses deux enfants ? Au Tribunal, le père de famille donne sa version.
« Tout a commencé avec l’aîné de mes enfants quand il est tombé malade. Il passait tout son temps à pleurer et criait le nom de Mam (la voisine). J’ai tout fait, mais rien. Un an après, c’était le tour de son petit frère. Ce dernier manifestait les mêmes signes que son aîné et criait également le nom de la voisine. C’est ainsi que nous avons entrepris des démarches », explique-t-il aux juges. Il dit avoir dans un premier temps fait appel à la communauté musulmane du quartier. Elle a délégué des membres qui sont venus lire des sourates en faveur de la santé des deux enfants. Mais dès le lendemain, les cris ont repris de plus belle. Il fait appel à ses voisins. Ce qui crée un attroupement à son domicile. Et le fait que les enfants crient le nom de la voisine a fait qu’elle a été, et sans aucune forme de procès, désignée comme la « sorcière » qui en veut aux enfants du voisin.
L’époux de cette dernière est obligé malgré lui de gérer cette situation trouble. Il est traîné de réunion en réunion dans le quartier, avec un langage ferme, selon les témoignages au procès : « Dis à ta femme de tout faire pour que nos enfants ne meurent pas. » L’époux propose alors de consulter le féticheur du village. Mais les parents des enfants malades ne font pas confiance à ce féticheur. Eux aussi s’y connaissent. Ils proposent une autre adresse. Ils conduisent finalement le couple (accusé de sorcellerie) à Saaba chez le féticheur de leur choix.
Le verdict de ce féticheur est sans appel. « Le féticheur a regardé mes mains et a dit que cette dame n’est pas sorcière, que sa mère n’est pas sorcière, que sa grand-mère non plus, que personne dans sa famille ne connait la sorcellerie », rapporte la voisine lors du procès face aux juges.
Outre la souffrance morale du fait des railleries, la dame dit avoir tout perdu. « Mon marché a pris un énorme coup. Avant, je vendais un sac de riz en trois jours maximum. Mais depuis l’incident, je ne pouvais plus vendre 3 kilogrammes par jour. Les gens me fuyaient. Et le comble, mon bailleur a fermé mon local. Mon commerce a pris fin suite à cette fausse accusation », explique-t-elle.
Selon les témoignages au procès, le féticheur aurait affirmé que les enfants seraient victimes d’un sort visant à donner de la richesse. Un individu aurait tenté d’utiliser l’aîné pour son rituel. Et comme cet enfant résistait, il a tenté d’utiliser son petit frère.
Le TGI Ouaga II a tranché. Le père des enfants est déclaré coupable des faits fausses accusation de sorcellerie. Il est condamné à 12 mois d’emprisonnement avec sursis. Il payera aussi la somme de 100 000 FCFA à titre de dommages, et 250 000 FCFA d’amende à l’État.
Par Judichaël KAMBIRÉ, Sira info