Fête du Ramadan : Quand les mécaniciens nocturnes se frottent les mains

Image d'illustration, crédit: DR

Les musulmans du Burkina Faso ont célébré la fête du Ramadan ce mercredi 10 avril. A Ouagadougou, après la prière, l’ambiance visiblement morose cette année, était tout de même particulière. La fête rime avec visites chez des amis, parents, collègues, etc. ou des sorties tout simplement. Mais il arrive que le moyen de déplacement gâche l’ambiance. Et quand cela arrive la nuit, c’est encore plus grave.  Difficile de trouver un mécanicien à partir de 18 heures, même dans la journée. Certains mécaniciens ou vulcanisateurs par contre, en ont profité pour faire de bonnes affaires, en sacrifiant leur fête.

Mercredi 10 avril 2024, jour de fête à Ouagadougou comme dans les autres villes du Burkina. Des Ouagalais, surtout jeunes, seuls ou à deux ou trois sur des motos, sillonnent les différents quartiers, allant d’un domicile à un autre ou d’un débit de boisson à un autre. La fête du Ramadan bat ainsi son plein. Mais la joie de la fête ne perdure pas toute la nuit pour certains. Leurs motocyclettes leur jouent des tours.

19 heures sonnent sur le boulevard des Tensoba. Au premier feu après le site du Salon international de l’artisanat de Ouagadougou (SIAO), en direction de l’échangeur de l’Est, un attroupement se fait remarquer. Sur le côté, à l’angle, sont installés en effet un mécanicien, un vulcanisateur et un revendeur de carburant (dans des bouteilles). Arrivent des fêtards dont les engins sont tombés en panne. D’autres sont déjà installés sur deux bancs posés juste derrière. D’autres sont debout. En seigneurs ce soir de fête, mécanicien, vulcanisateur ou vendeur de carburant dictent leurs lois sans inquiétudes. Pour trouver des collègues de ces derniers, il faudra pousser son engin sur plusieurs kilomètres encore. Et cela, sans la moindre assurance d’en trouver. Alors, il faut faire avec, comme on le dit souvent. « Ma moto s’est éteinte à Karpala. Dieu merci, je suis avec mes amis, ils m’ont poussé jusqu’ici. On attend de voir », témoigne un jeune de la vingtaine. « On avait regardé l’essence. Mais c’est fini en route et on a poussé pour venir en mettre ici afin d’arriver à la maison. On dit que le litre fait 1000 Francs », confient deux jeunes filles en sueur. Beaucoup avaient des problèmes de phares ou de bougies. Et les réparateurs de ce soir n’ont pas de sentiments. C’est un jour particulier et les prix ne peuvent pas être ordinaires.

Ils sont trois maitres ici ce soir. Le vendeur de carburant, lui, n’est pas beaucoup sollicité. La station d’essence située sur l’autre côté du boulevard était encore ouverte. Au quartier Karpala, des stations ont servi jusqu’à l’aube. Le mécanicien et le vulcanisateur, eux, avaient du pain sur la planche. Jusqu’à 1 heure du matin, ils étaient encore sollicités.

« D’habitude je change mon roulement à 500 Francs, ou 1000 francs lorsqu’on doit raccommoder, en plus la chaine. Mais ce gars me dit que le roulement seul fait 1000 francs déjà et 500 francs pour sa main d’œuvre », se désole le jeune Farid.

« Non, ici c’est par ordre d’arrivée qu’on travaille. On va gérer tout de suite », lance le plus jeune aux clients qui s’inquiètent. Et une chose retient l’attention de tous les clients sans véritablement les surprendre. La main d’œuvre comme les prix des pièces de rechange ont doublé ce soir. Et c’est à prendre ou à laisser. « D’habitude je change mon roulement à 500 Francs, ou 1000 francs lorsqu’on doit raccommoder, en plus la chaine. Mais ce gars me dit que le roulement seul fait 1000 francs déjà et 500 francs pour sa main d’œuvre », se désole le jeune Farid. Pareil pour le vulcanisateur qui gonfle les roues à 100 francs et assure le collage à partir de 300 francs.

Pour eux, la raison est toute simple : « Nous avons laissé la fête, laissé nos femmes à la maison. Nous sommes ici depuis le matin. Nous sommes sales, mais nous sommes là. Ce n’est pas pour rien.  On cherche l’argent ». L’occasion est donc propice pour se faire un peu d’argent. Pas de sentiments ce soir.

Des acteurs dont les usagers de la route ignorent parfois l’importance jusqu’à ce qu’ils tombent en panne au milieu de la nuit

Pour rallumer le phare de la moto d’une dame par exemple, il lui est demandé la somme de 500 francs. Et qui fait ce travail ? Le vulcanisateur, celui qui gonfle les roues des engins. Il n’a pas été question de changer l’ampoule ou une quelconque pièce. Il est dit que le problème de son phare est lié à un fil qui ne marchait pas bien.

Le Ramadan comme toutes les autres fêtes profitent bien à ces mécaniciens qui acceptent de sacrifier leur fête et leur sommeil. Les jours ordinaires, quelques-uns veillent à des coins stratégiques des quartiers jusqu’à une certaine heure. Mais les jours de fête, c’est jusqu’à l’aube. Des acteurs dont les usagers de la route ignorent parfois l’importance jusqu’à ce qu’ils tombent en panne au milieu de la nuit, loin de leurs domiciles.

Par Judichaël KAMBIRE, Sira info

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