Lutte contre le financement du terrorisme : Voici les propositions du CIFOEB

Le Burkina subit les affres du terrorisme. Le pays, ces dernières années, s’équipe en armement pour faire face aux attaques et retrouver ainsi sa quiétude. Mais comme dit l’adage, l’arme tue le terroriste, mais pas le terrorisme. L’un des plus grands défis est donc d’anéantir le financement du terrorisme. Le Centre d’Information, de Formation et d’Etudes sur le Budget (CIFOEB), dirigé par Youssouf Ouattara, a fait un Mémorandum « à l’Issue du POLICY DIALOG sur les défis de la lutte contre le financement du terrorisme et la préservation de l’espace civique ». Sira info a eu copie de ce mémorandum et vous livre les points saillants.

Le mémorandum du Centre d’information, de formation et d’études sur le budget (CIFOEB) est formel : « Malgré les efforts du Burkina Faso, force est de constater que des lacunes persistent dans son dispositif national de Lutte contre le blanchiment de capitaux et de financement du terrorisme (LBC/FT) ». Selon le CIFOEB, le cadre juridique bien qu’il est conforme aux standards internationaux n’est pas adapté à la réalité économique du pays.

La Cellule nationale de traitement des informations financières (CENTIF), est chargée, par exemple, de traiter les opérations financières suspectes. Mais son mode de fonctionnement ne semble pas efficace. Sa capacité à tracer tous les flux financiers illicites fait débat. Voici ce que dit le CIFOEB : « le taux de bancarisation étant très faible de l’ordre de 30%, traduit l’idée que le cash est le moyen de paiement par excellence dans notre pays. Ainsi, il est évident que le volume des flux financiers susceptible d’être traité par la CENTIF reste très faible pendant qu’un volume important de flux financier échappe à son contrôle. » L’organisation de la société civile indique aussi qu’un grand nombre de transactions financières et commerciales passent par des circuits informels tels que le système Awala (système traditionnel de transfert d’argent effectué par intermédiaires). Et ce n’est pas tout !

Plusieurs contentieux pendants au niveau de la justice impliquent des sociétés de microfinances ayant disparu avec les dépôts ou l’épargne des clients

L’Etat doit aussi être plus regardant sur la création des sociétés de micro finances. Certains parmi elles peuvent être des sources de financement du terrorisme. « Un autre fait de société qu’il faut également relever est la prolifération des sociétés de microfinances qui se créent et fonctionnent sans agrément de l’autorité de tutelle. A ce jour, plusieurs contentieux pendants au niveau de la justice impliquent des sociétés de microfinances ayant disparu avec les dépôts ou l’épargne des clients. », révèle le CIFOEB.

Autre aspect à risque qu’il faut maitriser : le phénomène de la cryptomonnaie. Il n’est pas règlementé au Burkina, alors qu’il séduit beaucoup d’acteurs.

« Le mobile money est en vogue dans notre pays mais présente des risques énormes de financement du terrorisme. En effet, ce moyen très apprécié échappe encore au contrôle du fait qu’il n’est pas abouti car au finish, le cash apparait au bout du compte. », ajoute le CIFOEB.

La CENTIF fait face aussi au refus de certaines structures assujetties à déclarer les « opérations suspectes » avec comme argument que cela pourrait constituer un risque de perte de clientèle. Pour le CIFOEB, il faut même que la CENTIF clarifie davantage la notion « d’opération suspecte ».

Avoir un regard sur la gestion des ressources mobilisées par des organisations religieuses et des OBNL qui peuvent être des couvertures pour le financement du terrorisme

Pour être plus efficace, le CIFOEB a fait des recommandations au gouvernement. L’une des recommandations concerne les Organisations à but non lucratif (OBNL) et les organisations religieuses. Il faut « avoir un regard sur la gestion des ressources mobilisées par des organisations religieuses et des OBNL qui peuvent être des couvertures pour le financement du terrorisme », indique le mémorandum. Selon le CIFOEB, certaines organisations religieuses, « malgré leur bonne foi », peuvent tomber dans le piège des « personnes mal intentionnées qui peuvent se servir d’elles pour financer des actes terroristes ».

Le mémorandum recommande aussi au gouvernement « l’application rigoureuse du principe de transparence des entreprises et des OBNL pour assurer une meilleure identification des bénéficiaires effectifs. » Pour le CIFOEB, la lutte contre le financement du terrorisme doit exiger également l’identification des vrais bénéficiaires des entreprises et des organisations à but non lucratif (OBNL). Cela va éviter que par le « noircissement des capitaux » des entreprises et des OBNL s’érigent en potentiels bailleurs des groupes terroristes.

“Rendre systématique l’enquête de moralité sur les premiers responsables à la création de nouvelles OBNL

Toujours en ce qui concerne les Organisations à but non lucratif, le CIFOEB fait une autre recommandation : « Rendre systématique l’enquête de moralité sur les premiers responsables à la création de nouvelles OBNL. » Selon le CIFOEB, il ne doit pas avoir de complaisance dans ce secteur. Et l’histoire du terrorisme dans notre pays le démontre : « Les OBNL ont servi de moyens de radicalisation et de mobilisation de ressources à des fins terroristes. C’est le cas de Malam DICKO avec son association devenue premier mouvement terroriste endogène au Burkina. Ainsi donc, pour éviter que des individus habités par des intentions terroristes soient dissimulés derrière des OBNL et mobiliser des ressources pour atteindre leurs fins, il apparait opportun qu’une enquête de moralité soit menée systématiquement sur tous les responsables qui souhaitent créer une association quelconque. »

L’ANR a estimé que le risque de radicalisation et de financement du terrorisme à travers l’utilisation des OBNL est élevé

Cette enquête permettra également de protéger les organisations sincères déjà existantes. L’accent doit aussi être mis sur le contrôle et la supervision des OBNL pour éviter que certains tombent dans les abus de financement du terrorisme. Pour le CIFOEB, les activités des OBNL échappent pour l’instant, pour la plupart, au contrôle des autorités compétentes.

Parmi les recommandations, il y a aussi la lutte contre la corruption, la lutte contre la fraude et la contre bande, « surtout dans les frontières », etc. Les recommandations sont au nombre de 20 et datent de mars 2023.

Selon le rapport d’évaluation nationale des risques, la menace de financement du terrorisme à travers les OBNL est faible. Mais l’Agence nationale de Renseignement (ANR) dit le contraire. « L’ANR a estimé que le risque de radicalisation et de financement du terrorisme à travers l’utilisation des OBNL est élevé ».

Par Marie D. SOMDA, Sira info

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