Orange Burkina : La douane en justice contre la société sur une affaire de plusieurs milliards FCFA

La Direction générale des douanes burkinabè et la société Orange Burkina sont engagées dans un bras de fer, suite à une enquête douanière sur la société. L’enquête reproche à Orange Burkina (ex-Airtel Burkina) plusieurs infractions en matière douanière. De grosses sommes d’argent sont en jeu. Le dossier a été porté au Tribunal de grande instance Ouaga 1.

Le dossier pèse assez lourd : des milliards FCFA en jeu. Il met « aux prises » la société Orange Burkina, la Direction générale des douanes et désormais, l’Agent judiciaire de l’Etat (AJE). La société de téléphonie est, en effet, accusée de plusieurs infractions en matière douanière.

Pour comprendre cette histoire, il faut remonter au 30 mai 2016.  Ce jour-là, la Direction générale des douanes ouvre une enquête contre la société Airtel Burkina, rachetée par Orange Burkina en 2016 et qui a pris le contrôle de la société de façon concrète à partir de 2017.

La procédure engagée, selon nos informations, concerne les opérations d’importation effectuées sous le régime douanier de faveur au cours de la période 2001 à 2011. En effet, le Burkina a fait bénéficier aux sociétés de téléphonie, des régimes fiscaux et douaniers de faveur dans le cadre de la mise en œuvre du Code des investissements. En termes simple, l’Etat leur a expressément permis de ne pas payer certains impôts et taxes ou d’en payer moins que la normale.

Des écarts entre la valeur des marchandises déclarées en douane et leur valeur dans les données comptables de la société

L’enquête ouverte a abouti à des faits assez graves. Selon nos sources, les douaniers ont découvert des faits qu’ils estiment contraires à la législation et ils accusent Orange Burkina, (ex-Airtel) des faits de « détournement des marchandises exonérées de leur destination privilégiée », de « fausse déclaration de valeur réputée importation sans déclaration », de « fausse déclaration de régime réputée importation sans déclaration ». Qu’est-ce que c’est concrètement ?

Au cours de l’enquête, un premier fait se dégage, selon nos sources. Les douaniers découvrent que des équipements de Airtel Burkina Faso (devenu Orange Burkina), qui ont bénéficié du régime de faveur douanière (exonération), entre 2001 et 2011, ont été cédés à une autre société de droit burkinabè. Pour la douane, cette cession devrait requérir d’abord l’autorisation de l’administration douanière. En plus, selon des éléments de l’enquête, il a été découvert une sous-estimation du coût des équipements, lors de leur déclaration à la douane.

Voici ce que disent des éléments de l’enquête douanière. La société a déclaré une valeur de financière de 12 312 388 808 FCFA pour ces équipements. Or dans ses données comptables, ces mêmes équipements ont une valeur financière de 58 820 856 020 FCFA. Pour l’administration douanière, il n’y a pas de doute : leur valeur a été sous-estimée et elle a été flouée. La douane réclame donc des « droits éludés de l’ordre de 19 907 384 457 FCFA » pour cette opération. Et ce n’est pas tout !

Sur d’autres équipements également, l’administration douanière estime qu’il y a eu sous-estimation de leur valeur réelle et réclame des « droits éludés » de plus de 10 milliards FCFA.

Au final, la Direction générale des douanes estime la valeur réelle des marchandises concernées à 119 255 564 749 FCFA contre une valeur déclarée de 39 961 444 348 FCFA à l’administration douanière. Conclusion, elle réclame des droits éludés d’un cumul de 30 029 703 690 FCFA. Mais pas que !

L’amende est normalement le double de la valeur réelle des marchandises : plus de 238 milliards FCFA

Ce non-respect de la législation douanière, selon nos sources, entraine des sanctions, en l’occurrence des amendes. L’amende est évaluée par l’administration douanière à 238 milliards FCFA, soit le double de la valeur des équipements qui est à plus de 119 milliards FCFA. Ajoutée aux droits éludés de 30 milliards FCFA, la facture devient encore plus salée. Très salée : un contentieux d’un enjeu d’au moins 268 milliards FCFA. Le dossier a connu plusieurs péripéties, sans que les différentes parties puissent accorder leurs violons. 

Quelle est la part de vérité de la société dans cette affaire ? Le 14 février 2025, Orange Burkina, contactée le 31 janvier à travers son service de communication, nous répond. En substance, la société refuse de s’exprimer sur un dossier déjà en justice. « Le sujet étant déjà en cours devant les juridictions, Orange ne peut plus donner sa version via un autre canal que celui de la justice », dit-elle.

Mais en réalité, c’est parce que la société conteste les conclusions de l’enquête douanière que le dossier se retrouve en justice. Une correspondance d’un ancien DG, en l’occurrence, Ben Cheick Haidara, permet de faire entendre la voix de la société dans cette affaire. Elle date du 9 août 2017.

La société conteste les faits

D’abord, sur la cession du matériel bénéficiant d’une exonération à une autre société, cette note donne plus d’explications. La société dit avoir cédé son activité de gestion des « « infrastructures passives » à une société de droit burkinabè et que les équipements et matériels n’ont pas été « démantelés et sont toujours utilisés aux fins auxquelles ils étaient destinés ». En plus, cet ancien responsable de la société dit avoir adressé « une demande d’autorisation auprès de la Direction Générale des Douanes. Jusqu’à la date de la présente, aucune réponse n’a été reçue dans ce sens. » Dans sa lettre, il affirme également que les écarts observés sur les valeurs des équipements déclarés en douanes et leurs valeurs dans la comptabilité de leur société est « normal car les deux valeurs obéissent à des méthodes de valorisation différentes »

Orange conteste donc tous les faits que lui reproche l’enquête douanière. En 2022, l’affaire prend finalement un virage judiciaire. Orange Burkina, représentée par son actuelle Directrice générale Nafy Coulibaly Silué, a été appelée en même temps que l’emblématique dossier des agents du ministère en charge l’action humanitaire en fin 2024.

  Un règlement à l’amiable en cours

Après plusieurs reports du procès, le 6 février 2025, le dossier est appelé à la barre du tribunal de grande instance Ouaga 1. Et là, un fait nouveau apparait. Les avocats de la société indiquent que leur cliente veut désormais explorer la voie de la transaction, c’est-à-dire un règlement à l’amiable.

L’agent judiciaire de l’Etat qui défend les intérêts de l’Etat dans ce dossier, représenté par Karfa Gnanou, a reconnu ce jour, avoir effectivement reçu une correspondance relative à une proposition de transaction. Ce qui suppose, de facto, qu’Orange Burkina reconnait les faits, après plusieurs années.

Le 25 février dernier, les différentes parties étaient encore à la barre du TGI Ouaga 1. Il a été dit qu’ils n’ont pas encore trouvé un accord. A suivre !

Par Lomoussa BAZOUN, Sira info

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