Affaire agents de la SONATUR : Le procureur requiert des amendes allant 10 millions FCFA à 1,8 milliard FCFA

Au Tribunal de grande instance de Ouaga 1, il est 10 h 02 ce 26 février, quand le président du tribunal, Abasse Nombré, procède à l’appel nominal des prévenus à la barre. Ils sont tous là, plus de vingt, sauf un qui aurait des problèmes de santé, selon son avocat. Parmi eux, deux anciens Directeurs généraux de la SONATUR, des chefs de services, des agents mais aussi des acteurs du secteur privé. Ce n’est pas encore la fin, mais il s’agit d’une phase importante du procès où le ministère public dévoile ses attentes et les avocats sortent le grand jeu pour « soigner » les intérêts de leurs clients. L’audience commence par la constitution de partie civile de la SONATUR et les réquisitions du parquet.

Le procès est arrivé à la phase des réquisitions et plaidoiries. La SONATUR constituée partie civile est défendue par son conseil. A sa prise de parole, il est revenu sur la genèse du problème. Toute cette affaire a commencé par la vente d’un espace communautaire destiné à une aire de jeux par l’ancien Directeur commercial Moussa Ki. « La vente n’a été autorisée, ni validée par aucune structure de la SONATUR car c’était un espace non destiné à la vente », ditil. Mais l’ancien Directeur commercial a pris l’initiative, continue-t-il, de changer sa destination, à travers un procédé non règlementaire. Quand l’affaire a éclaté, le Directeur commercial a été traduit en Conseil de discipline, puis licencié pour « faute lourde ». Selon le Conseil de la SONATUR, l’aire de jeux, illégalement vendue a été restituée à la société. Et la SONATUR a été obligée de trouver une autre parcelle pour l’acheteur du terrain litigieux pour soigner son image « ternie » par l’un de ses employés. Sur le cas des autres parcelles « distribuées » au personnel, l’avocat indique que cette mesure n’a aucune base légale. En Conséquence, au titre des dommages et intérêts, au nom de la SONATUR, il demande un franc symbolique.  

La justice se met en branle

Après la SONATUR, la parole est revenue au parquet constitué des substituts du procureur Djakaridja Ouattara et Dofini Noé Dakio.

Selon le parquet, l’affaire est arrivée au bureau du procureur en février 2023. Dès les premiers moments, indique-t-il, tous les prévenus ont nié les faits. Mais une correspondance, atterrie sur le bureau du procureur, bascule le cours des événements. Elle provient d’un acteur qui connait bien la maison et qui refuse d’être le « mouton noir » d’une société d’Etat dans laquelle ceux qui l’ont licencié n’ont visiblement pas les « mains propres ». Il décide d’entrainer avec lui dans sa chute, les autres en livrant sa part de vérité au parquet. Cet acteur est bien l’ancien Directeur commercial, Moussa Ki. Selon le procureur, sa correspondance a donné des détails sur la pratique qui a conduit au procès en cours. « Il avait intérêt à le faire. Il a été licencié », ajoute le parquet. Le contenu de sa dénonciation, selon le procureur, est pratiquement le même que ce que les mises en cause ont fini par avouer. Plusieurs infractions sont retenues contre les prévenus. Mais le parquet  a finalement déclaré n’avoir pas eu suffisamment d’éléments sur les faits de blanchiment de capitaux et demande leur relaxe pour cette infraction « au bénéfice du doute ».  

Les peines requises par le parquet contre les deux anciens DG, l’ancien Directeur commercial…

Sur le cas de l’ancien Directeur commercial de la SONATUR, Moussa Ki, le procureur évalue le profit qu’il a pu tirer des ventes illicites à 90 millions FCFA. Il demande au tribunal de le condamner à 36 mois de prison assortis de sursis et une amende ferme de 180 millions FCFA.

Le parquet explique au tribunal qu’en ce qui concerne l’ancien Directeur général, Souaré Goro (juin 2020-février 2023), les bénéfices qu’il a pu avoir de cette pratique sont estimés 145 millions FCFA, « après les calculs ». En conséquence, il requiert à son encontre une condamnation de 48 mois de prison avec sursis et une amende ferme de 272 millions FCFA.

Il requiert aussi contre l’ancien Directeur général, Soabou Diallo (août 2018-juin 2020), une condamnation de 48 mois de prison avec sursis et une amende ferme 10 millions FCFA. Selon les estimations du parquet, il a été bénéficiaire de 12 parcelles qui ont pu être identifiées. Mais lui-même dit ne pas savoir le nombre de parcelles, selon les explications du procureur. Par contre, il a octroyé ces parcelles reçues à des connaissances. Il n’y a pas eu de vente et de bénéfices financiers dans son cas.

Le parquet a également requis contre les autres chefs de services et agents de la société des peines de prison avec sursis (allant de 18 mois à 48 mois) et des amendes allant de 10 millions FCFA à plus de 80 millions FCFA.

De lourdes peines requises contre deux acteurs du privé

Un acteur du privé du nom de Tinsakré Konkobo et un notaire du nom de Hervé Kaboré sont cités dans ce dossier. Leurs noms ressortent dans le dossier de l’aire de jeux mais aussi sur d’autres parcelles de la SONATUR.

Selon le procureur, le nommé Tinsakré Konkobo a reconnu lui-même avoir payé une quinzaine de parcelles à la SONATUR et avoir payé aux agents plus de 300 millions FCFA.  « Les parcelles sont devenus des moyens d’épargne. Il sait que dans quelques années, elles vont prendre plus de valeur financière. C’est pour cela qu’il accepte payer des surplus aux agents », explique le procureur Ouattara au tribunal.  Pour lui, le prévenu était conscient que ce n’était pas normal. C’est ainsi que sur la quinzaine de parcelles qu’il a acquises à la SONATUR, sept (7) ne portaient pas son nom. Il mettait les noms de ses connaissances qui ne sont pas les propriétaires réels. « S’il mettait les noms de ses enfants, une enquête de patrimoine aurait vite permis de savoir qu’il a pu acquérir régulièrement des parcelles avec la SONATUR », affirme le parquet. Cette dissimulation de ses acquisitions des parcelles de la SONATUR est la preuve, selon le parquet, qu’il était conscient que cette pratique n’était pas normale. Et c’est dans cette pratique que le notaire, Hervé Kaboré intervient également, selon le procureur.  « Dans la dissimulation, Tinsakré Konkobo avait toujours recours à Hervé Kaboré. Les personnes dont les noms sont utilisés n’ont jamais eu de parcelles. », détaille le procureur qui estime que ces ventes étaient fictives. Pour le cas de l’aire de jeux, le notaire, selon le parquet aurait dû dans le cadre son travail, vérifier si effectivement le terrain effectivement « vendable ». « S’il avait demandé à la SONATUR si effectivement elle était au courant de la mise en vente l’aire de jeux, on n’en serait pas là », dit-il.

En conséquence, le parquet requiert contre Tinsakré Konkobo une condamnation de 36 mois de prison ferme et une amende de 1,855 milliard FCFA. Quant au notaire Hervé Kaboré, il est requis contre lui une condamnation de 36 mois de prison ferme et une amende de 691 millions FCFA.

Confiscation de parcelles

Autre point des réquisitions du parquet. Le procureur a également demandé au tribunal d’ordonner la confiscation de toutes les parcelles concernées par l’affaire et qui sont encore détenues par les prévenus.

Une autre confiscation de parcelles a été solliciter par le procureur. Elle concerne les parcelles détenues dans les mêmes conditions par des agents de la SONATUR qui ne sont pas encore mis en examen. Mais le président du tribunal demande la base légale qui permettra de donner suite à cette demande. Une disposition de la réglementation citée ne semble pas avoir convaincue le tribunal. Mais selon le procureur estime qu’en tout état de cause, le parquet mettra les diligences nécessaires pour défendre les droits de la société sur ce point.

Le tribunal suivra-t-il le parquet dans ses réquisitions ? Seul le délibéré y apportera une réponse.  A suivre !

Par Marie D. SOMDA, Sira info

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